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💬 Youssef vous raconte l'histoire du couscous

Dernière mise à jour : 10 janv. 2023


Contrairement à ce que nous dit l’industriel Tipiak, le couscous n’est pas forcément préparé par des mamies bretonnes, ni cuisiné par des pirates (nous n’avons trouvé aucune source historique à ce sujet) et il est difficile à élaborer en 2 mn (on a essayé, et on a échoué).


Pour ne fâcher personne, dans cet article, on ne va pas chercher à connaître l’origine géographique du couscous. Marocain, algérien, breton ou suèdois. Le couscous est maintenant bien français.


Enquête sur ce plat issu de l’immigration qui est aujourd’hui l’un des plats préférés des Français derrière les moules frites mais devant la blanquette de veau.


  • Les origines du couscous en 1 mn

Le couscous est né avant le Christ et c’est un plat berbère. Plus précisément, un plat numide (de l’ancien empire berbère Numidie, nom à ne pas confondre avec la chanteuse Lumidee lors de vos prochaines conversations de bureau).


Le couscous a toujours été un plat métissé et très influencé à l’image de la culture berbère et du contexte historique et géographique de l’empire numide qui était un carrefour régional entre l’Afrique sub-saharienne et la Rome Antique.


Le couscous est un plat que de nombreux peuples et cultures se sont approprié et ont toujours adapté à leurs goûts ! Mais avant tout, le couscous était déjà un plat très nourrissant. Et à cette époque, cela comptait déjà beaucoup !


D’ailleurs, la Numidie c’était le fameux “Grenier à blé de Rome” : l'endroit où nos braves Romains allaient chercher leurs céréales pour nourrir la plèbe. Et non pas comme ton grenier où tu stockes tout ce que tu n’as pas réussi à vendre lors de braderies ou sur Le bon coin.


Et enfin, la création de ce plat célèbre l’utilisation de la semoule mais aussi les premières cuissons à vapeur !


  • La petite histoire fourrée dans la grande Histoire : couscous, qui t’a donné ce nom si rigolo à entendre ?

Le mot "couscous" nous viendrait d’abord du bruit “keskes” (bruit aussi et malheureusement utilisé comme technique de drague urbaine) que produit la graine de semoule lorsqu’elle est passé au tamis.


Chez nos amis berbères on a toujours parlé de “seksu” lorsque les fameuses graines de blé roulé étaient désignées. Ce mot est toujours resté comme tel et a même donné le nom de “thasseksouth” pour désigner un couscoussier.


Mais le terme “couscous” a fait du chemin, pour ne pas dire qu’il a roulé sa graine bosse, avant de parvenir à ce résultat sonore si drôle lorsqu’on écoute le nom pour la première fois. Parce que franchement, on a évité le pire et de peu...


En effet, on retrouve une première traduction en France au XIIIe siècle sous le nom de “Kuskusu”. Un premier jet sans grande conviction... et qui ne convaincra pas les foules.


Autre approche avec Rabelais qui décide de s’emparer de la question au XVIe siècle et qui nous propose une version des plus léchée avec le fameux “coscoton à la moresque”. On est alors loin, mais alors vraiment loin du couscous garbit… Mais à notre grand soulagement, François Rabelais n’aura pas le dernier (bon) mot à ce sujet.


Et il faudra attendre la participation d’Alexandre Dumas pour faire un pas en avant dans l'étymologie de notre cher plat. En effet, en ce XIXe siècle, certainement en pleine digestion, Alexandre tente un petit “coussou-coussou” pour nous attendrir et offrir un autre horizon lexical à nos graines de semoule. Le peuple sourit mais n’est pas encore complètement convaincu.


Finalement, c’est Georges Sand qui vient à la rescousse, toujours au XIXe siècle, en nous offrant une version plus direct avec le terme “kouss-kouss”.


Le temps passant, on a encore simplifier son écriture pour en faire le “couscous”. Et on l’aime comme ça notre bon couscous.


  • L’immigration du couscous en France

Mais au fait, mon cher couscous, comment es-tu arrivé jusqu’ici, dans mon assiette ?


Avant de se retrouver aligné sur plusieurs étagères de nos supermarchés préférés, notre cher couscous a beaucoup voyagé.


Comme vu plus haut, le couscous nous vient de Numidie qui correspond au Maghreb d’aujourd’hui. A l’époque il n’y avait pas beaucoup d’avions pour transporter notre couscous. Mais le bougre s’est quand même bien débrouillé pour voyager. Faut dire qu’il en a des atouts pour plaire, il est tout simplement à croquer !


Et il a été croqué partout. D’abord au Moyen-Orient actuel. Il a été découvert notamment lors de l’expansion de l’Islam vers le Maghreb. Tombés sous le charme de cette semoule si particulière, les conquérants musulmans finissent par adopter des comportements assez extrêmes que seul un amour passionnel peut expliquer.


  • La petite histoire fourrée dans la grande Histoire : le couscous au coeur d’un crime passionnel

On raconte (Wikipedia uniquement) qu’un chef de tribu aurait ainsi menacé sa nouvelle femme de la tuer si elle était incapable de préparer ce plat. On a malheureusement jamais eu de nouvelles de cette femme (qui ne pouvait pas s’appuyer des recettes Youtube à l’époque pour se sortir de ce mauvais pas) ni de son mari.

Peut-être échaudé par l’effet qu’il provoquait chez certains, notre cher couscous mit alors le cap vers l’Europe avec l’Espagne.


Toujours transporté, avec grand soin, par les Almohades partis à la conquête de l’Andalousie au XIIe siècle, il ne fallut pas grand temps pour que le couscous se fasse une place de choix.


Apprécié et révélé au grand public par les traités de cuisine de Ibn Razin al-Tuyibi (ou plus simplement Ibn Razin de Murcie), le couscous est en train de devenir une graine… de star.


Outre ses qualités gustatives, le couscous entre dans une autre galaxie en étant recommandé pour ses vertus médicinales.


  • La petite histoire fourrée dans la grande Histoire : le couscous : un plat déjà très comfort food

Et oui, le couscous a rapidement été considéré pour ses pouvoirs curatifs en Andalousie ! En effet, selon l’historien Shihab al-Din Abul Abbas Ahmad ibn Muhammad ibn Ahmad ben Yahya al Qurayshi (ou plus simplement Al Maqarri), le prophète Muhammad est apparu en rêve auprès de lui pour lui recommander de soigner un hôte originaire du Maghreb qui était atteint du mal du pays. C’était il y a plus de 400 ans et le couscous était déjà considéré comme un plat de réconfort et on faisait déjà le lien entre une cuisine et sa capacité à générer des émotions positives à l’égard de celui/celle qui la mange. On appelle ce phénomène aujourd’hui le “comfort-food” (on vous prépare un article à ce sujet) et c’est très tendance.


Après être devenue une star de la cuisine du monde en Espagne puis au Portugal, notre couscous se lance dans la conquête du Nord (Game of Thrones).


Comme expliqué plus haut, on entend parler du couscous ou plutôt du “kuskusu” au XIIIe siècle en France via une traduction du livre de cuisine du chroniqueur syrien Kamaleddin Ibn al-Adim (ou plus simplement Ibn Al Adim). Puis ensuite par le “coscoton de moresque” très cher à François Rabelais.


Mais l’entrée du couscous en France se fait surtout via la colonisation en Afrique du Nord au XIXe siècle. En effet, Amina Beji-Becheur et Nil Ozcaglar-Toulouse (Maitres de conférence Université Paris-Est et Université Lille 2) nous informent dans leurs travaux (Couscous Connexion : l’histoire d’un plat migrant) que ce sont les premiers colons, souvent modestes, qui se sont accaparés le couscous faute de ne trouver de cuisines typiquement françaises sur place.


Et petit à petit, notre couscous fit son nid. Georges Sand en parle dès le XIXe siècle mais c’est en 1907 que le couscous signe son premier fait d’arme en France : sa recette apparaît dans le fameux ouvrage Gastronomie Pratique écrit par Henri Babinsky (un globe cooker sans caméra mais avec une plume) sous le pseudonyme d’Ali Bab (merci le stéréotype).


Autant vous dire que notre couscous, il a la classe !


Fort d’un tel succès, notre petit couscous finit par intégrer la jet-set parisienne de l’époque avec une nouvelle recette qui parait dans le Larousse du Ménager, qui était de ce temps un ouvrage destiné à la bourgeoisie ! Qu’il est déjà loin le temps où notre couscous était préparé dans des tentes berbères...


La période coloniale touchant à sa fin au début des années 60, le couscous entame alors sa démocratisation et son industrialisation. Cela commence à Marseille où s’installent des anciennes populations ayant résidé en Algérie pendant la colonisation qui se disent qu’il y a une entreprise à lancer dans la fabrication industrielle du couscous. Et ça marche ! Le couscous poursuit alors son ascension dans toute la France jusqu’à se retrouver sur le podium des plats préférés des Français.


Une position qui en fait aujourd’hui et bien malgré lui un symbole qui dépasse le simple champ culinaire…


  • Couscous, es-tu un plat pour les riches ou pour les pauvres ?

Tout au long de son parcours de vie, le couscous n’a eu de cesse de rencontrer des personnes de tout horizon social, qui sont toutes tombées sous son charme !


On n’est donc en droit de s’interroger sur son accessibilité.


En effet, aujourd’hui, on trouve des couscous à toutes les sauces mais surtout à tous les prix. Entre notre sympathique restaurateur qui nous vend un couscous au même prix qu’un kebab et le restaurant étoilé qui nous propose un couscous des plus raffinées...il est difficile de mettre le couscous dans une case. Et puis à quoi bon le mettre dans un case ! Le couscous a cette richesse d’être un plat libre qu’on s’approprie à son bon vouloir.


Sa semoule est accessible aux plus pauvres qui avec peu de moyens peuvent vous élaborer un couscous qui vous rendra riche d’un souvenir intemporel..


Que se soit un couscous avec uniquement du petit lait (comme c’est encore le cas dans de nombreux villages reculés notamment du côté des Amazigh) ou encore un couscous avec plusieurs viandes et une variété de légumes, le couscous s’est toujours émancipé des codes sociaux pour s’imposer dans tous les types d’assiettes. Pour notre plus grand bonheur.


Malgré ce constat, si l’on veut continuer à chercher des nuances de couscous, on finira pas en trouver en identifiant les contextes de réalisation du couscous.


En effet le couscous est une cuisine du monde très romancée et très socialisée. Ce plat s’habille en fonction des événements auquel il est invité. Un peu comme toi qui théoriquement ne mets pas les mêmes vêtements selon que tu fais ton jogging ou que tu sois invité à un mariage.


Ce plat sera plus ordinaire, plus pragmatique lorsqu’il est “utilisé” pour une consommation purement nutritive. En gros, un couscous flemmard.


Mais quand il s’agit de se rendre à des événements plus festifs (mariages, baptèmes, fêtes religieuses), là notre couscous ne rigole plus du tout. Il sort sur son 31 et personne ne pourra lui voler la vedette. En même temps dur de manger autre chose après un bon couscous qui prend toute la place dans un estomac.


Et c’est dans ce contexte d’élaboration qu’on pourra opposer le couscous pragmatique (ou flemmard) du couscous festif.


  • Le couscous, un réseau social intemporel.

Dans le monde arabo-musulman, le couscous est sacré. On like, on share et on commente le couscous depuis toujours. Bien avant l’arrivée de l’Internet et du Facebook.


On se regroupe toujours autour du couscous qui aime attirer les regards. On l’a dit plus haut, quand il s’agit de se la raconter pour sortir en soirée, le couscous sait faire. Tout comme resté pantouflard les jours de grosses flemme.


Mais peu importe le couscous, on n’est (et ne doit) jamais être seul pour le consommer. Et cela a toujours été le cas, notamment avec le couscous qui a longtemps évolué dans un contexte arabo-musulman où il est recommandé de manger dans un même plat, suivant les préceptes du prophète Muhammad. La notion même de partage est essentielle dans beaucoup de cultures et le couscous porte littéralement et spirituellement cette valeur.


  • La petite histoire fourrée dans la grande Histoire : plus on est, plus on kiffe.

Mais le couscous ne se limite pas à un partage de denrées alimentaires. La préparation du couscous est un événement avant l’évenement.


Déjà les 10 h de préparation d’un couscous (très loin des 2 mn de nos amis Tipiak) supposent des conversations tout aussi longues entre les préparateurs et/ou préparatrices . Et oui, comme on ne consomme pas un couscous seul, on évite de le préparer seul. Ceci n’est pas une logique productiviste mais surtout un patrimoine culturel. La préparation du couscous, souvent féminisée, doit permettre aux préparatrices d’échanger sur leurs vies et se raconter les derniers potins du coin autour d’une bonne semoule roulée.


La préparation est aussi un acte de transmission familiale. Pour faire simple, il existe autant de couscous que de familles qui le cuisinent. La transmission des recettes s’est d’ailleurs longtemps fait de mère en filles en Afrique du nord pour préserver ce patrimoine familial !


Et c’est quelque chose qui persiste aujourd’hui malgré les distances entre les familles résidant en France et les parents vivant au Maghreb. Les nouvelles technologies aident à maintenir ce patrimoine familial : Merci Whatsapp et Skype.


  • Le couscous : le symbole de l’émancipation de la femme

Oui, cher lecteur vous ne rêvez pas, ni ne cauchemardez, je fais bien un lien entre l’émancipation de la femme et le couscous. Et je ne suis pas le seul. Dans ma grande lâcheté d’auteur, j’utilise une source (Couscous et connexion : l’histoire d’un plat migrant) pour étayer ce propos.


Comme évoqué plus haut, la préparation du couscous est trditionnellement très féminisée. Elle engage même un rite sacral de transmission entre une mère et sa/ses fille(s). Et autant vous dire que pendant très longtemps (cf notre conquérant qui a menace sa femme de mort en cas d’incapacité culinaire en couscous), il était très mal vu dans certaines zones géographiques de ne pas savoir préparer un couscous pour une femme.


“Pour être considérée comme une bonne épouse, il fallait être une bonne cuisinière”, voilà l’un des schémas maritaux (encore) les plus répandus dans de nombreux pays !


Mais les mamans brisent de plus en plus ce schéma en cessant la transmission du savoir culinaire à leur filles...préférant plutôt les encourager à faire des études pour ne plus être des “femmes d’intérieur”. On ne va pas quand même pas leur en vouloir pour ça !


Le couscous de maman est-il alors en danger ? Mais bien sûr que non ! Sa préparation ne sera plus autant “genrée” et c’est tant mieux ! Et il y a de biens meilleurs critères que le talent culinaire comme critère ou base de mariage !


Mais surtout, comme tout bon plat préparé par nos mamans, c’est l’amour d’offrir qui compte. Et les couscous des papas sont et seront tout autant appétissants !


  • Le couscous : amour, gloire et mixité (le couscous pour tous)

Bon on y est. On va mettre les pieds dans le plat de couscous et conclure.

Notre bon couscous c’est un peu ce que nous sommes aujourd’hui : des graines bien roulées, cuisinées à toutes les sauces et de toutes les couleurs. Et quand on le pose sur un plateau, faut dire que ça envoie et que c’est appétissant :)


Le couscous c’est une ode à l’amour inconditionné. Il est accessible à tous, il peut être cuisiné selon les plaisirs et les contraintes des uns et des autres. Il s’invite souvent dans un (très) grand plat unique pour être partagé par tous. On mange, on rit et on se raconte grâce au couscous.


Et le couscous c’est aussi la liberté. La liberté de se rappeler le souvenir de sa maman et les heures de préparation communes, les rires, et en famille. La liberté de s’imaginer traversant les océans et le déguster au milieu des bédouins du désert avec un bon verre de thé et le ciel étoilé comme photographie infinie.


Et bien entendu, la liberté de créer ses propres souvenirs en favorisant ces moments de conviviliaité, de partage et de plaisir car le couscous c’est avant tout un outil pour s’aimer !


Pour reprendre une citation issue de Couscous Connexion : histoire d’un plat migrant, le couscous “n’est pas seulement destiné à nourrir. Il a une autre destinée : la transmission d'un message.”


Fin.



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